Trisah a reçue un diagnostique de cancer inflammatoire du sein (CIS) en 1993. Cinq ans plus tard elle a su qu’il avait métastasé. Elle est décédée en 2003, donc 10 ans à se battre avec le CIS. Pendant son combat avec le cancer métastasé, elle a écrit ceci que j’ai trouvé particulièrement intéressant et utile, je me suis donc permis de le traduire librement. Excusez les coquilles qui pourraient s’y être glissées. Bonne lecture, Suzanne L.
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Dans mes mots : Ce que vous pouvez faire
Par Trisah Tester
(traduction libre par: Suzanne Lemay)
Je suis une patiente ayant un cancer inflammatoire du sein métastasique. Malgré que cela signifie que je mourrais certainement de cette maladie (à moins d’un miracle), je ne suis pas une victime. Je n’aime pas ce mot, et je préfèrerai que vous ne l’utilisiez pas devant moi. Je suis une personne ordinaire, qui s’est avérée être au mauvais endroit au mauvais moment, et a été frappée de plein fouet par le cancer.
Depuis, j’ai remarqué que les gens ne savent pas toujours quoi me dire ni quoi faire pour aider. La majorité des personnes sont de bonnes âmes, qui désirent vraiment aider, mais n’ont aucune idée de mes besoins. Afin de vous aider à m’aider, j’ai préparé une liste. S’il vous plaît gardez en tête que ce n’est une liste de suggestion. J’ai essayé d’inclure d’autres points de vue, mais je ne veux pas que vous pensiez que tout cela peut marcher pour tous. Nous sommes des personnes merveilleuses, chacune humainement unique. Et ainsi bien sûr, nos besoins seront différents. Vous devrez juger par vous-même quelles suggestions seraient les plus appropriées et avec lesquelles vous vous sentirez confortable.
1. Si je veux vous parler de ce que sera la vie après mon départ, N’AYEZ SURTOUT PAS, et sous aucun prétexte, ce faux regard terrifié, accompagné d’un sourire réconfortant en disant « Oh ne parle pas comme ça. Tout va bien aller ». Il y a toute les chances que je n’irai pas bien, et je serai rassurée de penser que vous raconterez des histoires à mon sujet à vos enfants, (et aux miens), et que vous me garderez une place dans vos cœur. Il est incroyablement réconfortant d’entendre que vous incluerez mes enfants, qui sont beaucoup trop jeune pour perdre leur mère, dans vos vie d’une façon plus intense que présentement alors que je suis encore là pour eux. Vous ne me rendrez pas triste en acceptant l’idée que cette mort est probable, ou encore imminente. Je suis déjà pleinement consciente. En fait, si vous portez ce masque de faux enthousiasme, vous me démontrez que vous ne serez pas « présent » pour moi et mes besoins. Si c’est le cas, (et je ne vous en voudrai pas), n’essayez pas de faire semblant. Donnez-moi simplement une accolade rapide (je n’ai rien de contagieux), et un mot gentil, puis repartez. Je n’ai pas de temps à perdre avec des amis de ce genre.
2. Ne dites pas “S’il y a quoi que ce soit que je peux faire, n’hésite surtout pas à me passer un coup de fil ». La plupart d’entre nous ont l’habitude d’être des personnes fortes et autonomes, habituées à prendre soin de soi (et souvent des autres) depuis des dizaines d’années. Il est très inconfortable d’être en position de ne plus pouvoir le faire pour soi. Je vous suggère plutôt de passer me rendre visite, attrapez un balais et balayez. Demandez-moi si j’ai des plans pour le diner, et commencez à le préparer. Je ne vous demanderai pas de faire ces choses. Je ne suis pas habituée de demander de l’aide. Je ne suis pas bonne pour ça. S’il y a une urgence, je vais appeler pour chercher de l’aide. Mais lorsqu’il s’agit des petites tâches au jour le jour qui s’empilent jusqu’à ce que j’ai l’impression de m’y noyer, je ne vais pas demander d’aide (mais je vous en serai éternellement reconnaissante si vous passez et venez en faire une partie).
3. Parlez souvent du passé. Ce fut une surprise pour beaucoup de gens lorsque je leur ai suggéré. Ils se disent « Mais tante Nellie va croire que je pense qu’elle va bientôt mourir si je parle du passé »… ALLO !! Elle va mourir bientôt! Je vais mourir bientôt (bien que j’espère avoir de longues périodes ou je serai relativement bien). Et j’aime beaucoup me rappeler. Ça m’aide à me remémorer ces merveilleux moments de ma vie que je pourrais avoir oublié. Ça me fait sourire. Ça me rappelle que même si ma vie a été écourtée, ce fut une bien bonne vie. Ça me donne une impression de plénitude.
4. (Corollaire au numéro 3) Prenez un peu de temps pour ranger vos photos dans des albums. Je ne connais personne (sauf une) qui est vraiment à jour dans son classement de photos. Mettez tout le reste de coté, et prenez le temps qu’il faudra. Mettez les photos dans des albums avec des notes et commentaires. Si vous possédez une caméra vidéo, faite la fonctionner. Non seulement vos êtres aimés auront une superbe façon de se rapeller mais les générations futures vous remercieront. Si seulement j’avais fais cela avec ma mère…
5. Ne vous sentez jamais, jamais, coupable de profiter de la vie. Lorsque vous avez du bon temps, et que vous pensez à moi, ne vous sentez pas mal – pas même une microseconde. La vie est courte. Pour nous tous, que nous vivions 10 ou 105 ans. Profitez de la vie au maximum. Je le ferais si j’étais dans vos souliers. Et je le fais maintenant. Mon cliché favori du jour: Votre vie est comme un sac de pièces que vous pouvez dépenser de la façon que vous voulez. Mais vous ne pouvez le dépenser qu’une seule fois. (Dépensez-le intelligemment mes amis.)
6. N’ayez pas peur d’avoir peur. Si la peur vous paralyse (et croyez-moi j’y suis passée – ainsi que ma famille !) c’est correct de me dire que vous avez peur que je meure. J’ai peur aussi. Partager cette peur fait en quelque sort qu’il est plus facile de la gérer. Nier cette peur peut être très très négatif. J’ai besoin de réalité. Je n’ai pas besoin du négatif. Une fois cette peur partagée, incroyablement, on peut la mettre derrière nous et enfin avancer. Si on ne le fait pas, elle vous bloquera le chemin à chaque détour.
7. Il y a de fortes chances que mes factures sont empilées n’importe comment dans une boite. Le cancer est une incroyable source de dépenses qui peut facilement prendre des dimensions titanesques. Si vous pouvez m’aider à mettre un peu d’ordre dans tout ça et même effectuer quelques coups de fil ou écrire quelques lettres, cela me soulagerait énormément. Vous ne croiriez pas la différence que cela pourrait faire.
8. Dites « Je t’aime » souvent. Indépendamment de qui vous êtes, ça peut sonner comme « Tu es la personne la plus drôle que j’ai rencontré » ou « dans toutes l’histoire de l’humanité il n’y aura jamais un _______ comme toi », ou simplement « je t’aime ». Mais c’est votre chance. Ne la manquez pas. Après un certain point, il n’y a plus de retour en arrière.
- Soyez prudent avec les parfums/eau de toilettes que vous portez. La chimiothérapie dérange d’une incroyable façon le sens olfactif. Les parfums peuvent être très entêtants et provoquer des nausées. Dans le même ordre d’idée, si vous êtes fumeur,(à moins que le patient soit fumeur, là je ne saurais dire). Mais si vous ressentez le besoin de fumer allez dehors, et restez-y un 5 à 10 minutes extra. Vous ne pouvez imaginez comme cette odeur peut vous suivre.
- Faites des plans, pas des offres. Au lieu de me demander si je veux luncher, demandez plutôt si je suis libre le jeudi suivant. Puis dites « Génial ! Je serai là pour te prendre à 11h00 et nous pourrons aller luncher, et on pourra faire du lèche-vitrine ensuite si tu te sens en forme. » Bien sûr il vous faudra être flexible, au cas ou ce jeudi sera une journée ou je me sens comme si j’avais été écrasée sous un camion dix roues.
- Lorsque vous me demandez comment je vais, n’oubliez pas que je suis bien plus que ma maladie. Je sais que les gens qui le demande sont sincères, mais je suis un peu fatiguée de réciter la liste des progressions et régressions, des mises à jour médicamenteuses et des symptômes, etc. N’oubliez pas que nous avions d’autres sujets de conversation AVANT que je ne sois frappée par le cancer. Ces sujets sont toujours aussi importants pour moi.
- Soyez prévenus que « avoir l’air bien » N’A RIEN À VOIR AVEC. Ne vous en faites pas, moi aussi je le fais –dire d’un ami qu’il a l’air en forme, comme si le cancer était sous contrôle… Pas de chance. Souvent jusqu’aux derniers stages de la maladie, le cancer lui-même ne cause pas de détresse du tout. Habituellement ne fait pas mal. Souvent vous ne pouvez même pas le sentir (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle plusieurs sont longtemps indétectables). Les traitements, d’un autre coté, vous font souhaiter mourir, même lorsqu’ils vous sauvent la vie (ou à tout le moins la prolonge). Ça ne veut pas dire que je veux que vous arrêtiez de me dire que je parais bien.
- Vous devez réaliser que cette expérience m’a changée de plusieurs façons. Je suis toujours la personne que vous avez toujours connue, mais je suis aussi différente. Premièrement, je suis fatiguée. Vous savez comme vous êtes fatiguée lorsque vous êtes malade ? Imaginez que cela soit votre nouvelle « normalité ». Soyez sensible à mes besoins de me reposer plus souvent. Et n’espérez pas que je pourrai aller aussi loin et aussi vite qu’avant. Je n’ai plus la mémoire que j’avais. Les traitements m’ont retirés des parties de moi et elles ne me seront jamais rendues. Maintenant j’ai l’impression de traverser de la guimauve fondante, à la fois physiquement ET mentalement. Un autre changement est dans l’attitude. Certaines choses ne me semblent plus aussi importantes désormais. (Espérons que je ne crie plus autant après mes enfants). Et d’autres choses sont devenues plus importantes. Par exemple, je parle aux étrangers plus souvent. Quand j’ai quelque chose à dire, je le dis ! Ne soyez pas surpris si je me mets à danser dans une allée d’un marché d’alimentation. Ça peut être un peu déconcertant. Si je vous embarrasse, vous êtes libre de vous en aller et de dire que vous ne me connaissez pas. Mais je vous en prie, ne m’en empêchez pas. Laissez-moi faire exactement ce que je veux de ce qui me reste à vivre.
- Ne m’excluez pas. Oui c’est vrai, j’en ai lourd à porter. Mais ce n’est pas à vous de décider de ne pas me mettre au courant des mauvaises nouvelles. Je suis une adulte. Je ne m’attends pas que ce qui ne tourne pas rond dans le monde cesse d’exister parce que je combats le cancer. Je ne veux pas être mise à l’écart. Tant que je vivrai, j’ai le droit -et j’ai besoin- de vivre une vie complète, ce qui inclus être au courant même des mauvaises nouvelles, d’être capable de partager vos douleurs et vos joies. Mon corps me fait défaut, mais mon esprit a besoin de pouvoir VOUS soutenir peu importe de quelle façon, et pour aussi longtemps que je pourrai. Je n’ai pas besoin d’être protégée de la vérité.
- Venez aux rendez-vous médicaux avec moi. Parfois, mon « brouillard cérébral » passe sur certaines informations importantes. C’est très agréable d’avoir un compagnon dans les diverses salles d’attentes (peut-être un jour les médecins auront une meilleure gestion du temps… bah, oublions, ça n’arrivera jamais !). Et c’est génial d’avoir quelqu’un à qui jaser pendant les perfusions. C’est une bonne idée de penser à préparer une liste de questions à l’avance. Même un enregistreur est une bonne idée. Et si le docteur est expéditif ou brusque, plantez vos talons et affirmez-vous. Aidez-moi à me rappeller que même si je ne suis qu’un numéro de dossier dans son énorme pile, je suis la seule qualifiée pour protéger MA VIE. J’ai tous les droits de prendre le temps qu’il faut. Il (dans mon cas elle) m’a fait attendre suffisamment longtemps.
- (Actuellement corrolaire à 15.) Si je n’aime pas l’avis du médecin, ou sa manière, rappellez–moi qu’il y a d’autres docteurs et que j’ai le droit de recevoir un deuxième (ou un troisieme) avis. Les traitements pour le cancer – et spécialement pour les métastases sont loin d’être raffinés. Il y a en tellement et le jugement du médecin en rapport avec ceux-ci, que je ne devrais jamais être poussée à un traitement qui ne semble pas me convenir.
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- Respectez ma décision. Il viendra un temps ou je prendrai la décision de déposer les armes, de m’étendre et d’arrêter de me battre. Si je fais ce choix, je sais que vous serez désappointés et consternés. Peut-être même furieux. Je vous prie de vous rappeller que c’est ma bataille, et ma décision. Je sais que vous m’aimez. Je sais que vous voulez que je me batte. Mais si ce jour vient, s’il vous plait, comprenez qu’il ne reste simplement plus de bataille. Je vous promets de ne jamais prendre cette décision à la légère.
- Si je me promène le crane mis à nu par la chimio, jetez-vous à l’eau ! Rasez-vous la tête ! Vous seriez surpris de constater combien il est rafraichissant de se passer la tête sous la douche lors d’une chaude journée d’été. (Ne vous en faites pas, je ne serai pas surprise si vous passez votre tour à cette suggestion. Je doute humblement que je le ferai pour vous).
J’espère que ces suggestions pourront vous aider à comprendre ce qui peut VRAIMENT aider, pour un ami ou la personne aimée qui se bat pour contre une maladie qui s’en prends à sa vie. Bien sûr la meilleure chose que vous puissiez faire, c’est simplement d’être là. D’écouter Peut-être que votre cœur entendra ce qui a besoin d’être dit ou fait. Merci d’être là, et souhaitons des miracles pour tous !
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